Droit du travail et mondialisation: un divorce à l’amiable?

Nous sommes nés ici, travaillons là, achetons des produits fabriqués encore ailleurs… Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, la mondialisation est un fait. Les entreprises passent les frontières et constituent autant de promesses de création d’emplois et de richesses.

Pour les convaincre, une législation du travail plus souple est évidemment un atout. Comment la mondialisation influence-t-elle le droit du travail ? Ce bastion du droit interne tend-t-il, lui aussi, à se mondialiser ? Petit tour de la question au Canada, aux Etats-Unis et en France.

Etats-Unis

Le droit américain relatif aux relations de travail est rendu extrêmement complexe par la diversité des sources : fédérales, étatiques et jurisprudentielles. Les textes fédéraux posent les grands principes et les Etats mettent en place leur propre législation en matière de salaire, de temps de travail, de licenciement, de discrimination… Ajoutons à cela que dans un pays de Common Law, la jurisprudence demeure une source de droit hautement importante.

Traditionnellement, l’Etat intervient peu dans la détermination des conditions de travail. Ces dernières sont fixées lors de négociations collectives entre les employeurs et les syndicats. Selon Gilles Trudeau, professeur en droit du travail à l’Université de Montréal et chercheur au CRIMT (le Centre de Recherche Interuniversitaire sur la Mondialisation et le Travail), « le modèle de la négociation collective prévaut toujours aux Etats-Unis, mais le syndicalisme est très diminué : on est passé de 35 % d’employés syndiqués dans les années 50 à 12 % aujourd’hui, 10 % dans le privé »

Canada

Au Canada, ce taux est presque trois fois plus élevé (environ 30 %, 20 % dans le secteur privé). Comme aux Etats-Unis, les Provinces disposent de larges compétences en matière de législation du travail et le statut d’employé fédéral ne concerne que 10 % des salariés. De même, le système permettant de préciser les conditions de travail repose sur la négociation collective entre patrons et syndicats. Serait-ce à dire que le droit canadien est calqué sur celui de son voisin ? Pour Gilles Trudeau, les deux modèles sont bien distincts : « Après la Deuxième Guerre mondiale, nous avons adopté le modèle américain parce que nos deux économies étaient déjà très liées et aussi parce que les syndicats états-uniens implantés au Canada ont fait beaucoup de lobbying, mais aujourd’hui un employé non syndiqué est beaucoup mieux protégé au Canada que de l’autre côté de la frontière »

Soit, mais les Canadiens ne sont pas plus à l’abri des effets de la mondialisation que leurs voisins. Les fermetures d’usines appartenant à des entreprises transnationales comme par exemple celle de General Motors à Boisbriand, le prouvent mois près mois, en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest.

France

A la différence des Etats-Unis et du Canada, la France connaît un fort taux de chômage et s’appuie sur le droit écrit. Le Code du Travail constitue donc un texte très complet… et partisan. En effet, le droit français considère que la relation contractuelle est plus favorable à l’employeur qu’à l’employé, le second ayant besoin de travail pour vivre. Il faut donc contrebalancer cet avantage patronal avec un texte détaillé et soucieux de la protection des salariés.

Me Michèle Bauer, avocate spécialisée dans le droit du travail et installée à Bordeaux, en France, le constate tous les jours dans son cabinet et dans les tribunaux : « En France le doute profite toujours à l’employé. Les procédures de licenciement, par exemple, sont complexes, longues et font reposer beaucoup de charges sur l’employeur ». Gilles Trudeau se souvient de dirigeants d’entreprises rencontrés dans le cadre d’une étude qu’il a mené sur l’évolution du droit du travail québécois dans un contexte d’intégration économique : « Pour eux la pire place en matière de droit du travail, c’est la France ». Syndicalisation politique, grèves, procédures de licenciement alambiquées… Le modèle français ne fait pas recette auprès des multinationales étrangères. Nicolas Sarkozy promet avant l’été une loi prônant la « flexisécurité » et instaurant, entre autres, un licenciement à l’amiable. « On se rapproche de plus en plus d’un modèle anglo-saxon », observe Michèle Bauer.

Perspectives

Le droit du travail s’est élaboré en vase clos et il réagit aujourd’hui à un facteur externe : la mondialisation de nos économies Pour Gilles Trudeau, « le discours patronal des multinationales porte plus que celui des salariés et ce n’est pas tant le modèle anglo-saxon qui se répand, mais surtout un discours néolibéral dur »

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