Rencontre avec Pascale Pageau, Fondatrice de Delegatus

GÉNÉRALEMENT UN CABINET D’AVOCATS PORTE LE NOM DE SES FONDATEURS : POURQUOI AVEZ-VOUS CHOISI DE VOUS APPELER DELEGATUS ?

DELEGATUS est un mot d’origine latine qui veut dire « déléguer ». Or, nous avons une clientèle constituée d’entreprises et de cabinets d’avocats qui nous délèguent les dossiers et donc leurs problèmes juridiques. DELEGATUS est également évocateur de la qualité de nos services. Car, une fois que le client nous a délégué le mandat, le travail est effectué par des avocats seniors et non des avocats juniors. Il faut savoir qu’au sein de DELEGATUS, nous n’engageons pas d’avocats qui ont moins de 5 ans d’expérience. C’est l’une de nos garanties de qualité.

En qualité de « délégué » juridique pour les entreprises et les cabinets d’avocat, quelles sont vos activités ?

DELEGATUS réunit 8 avocats qui ont tous des pratiques distinctes et complémentaires. Aujourd’hui, nos domaines de pratique sont les suivants :

  • Le litige commercial : (conseils et représentation devant les tribunaux)
  • Le droit commercial (rédaction de contrats, de convention entre actionnaires etc.),
  • La propriété intellectuelle (accord de licence etc.)
  • La traduction juridique,
  • Le droit du travail.
  • Avant de faire le grand saut et de fonder Delegatus en 2005, vous avez œuvré pendant sept ans au sein de deux grands cabinets de Montréal dans les groupes litige civil et commercial. En quoi cette expérience vous a servi ?

L’expérience au sein de ces cabinets a été une excellente chose. Si je n’avais pas eu cette formation, je ne serais pas partie à mon compte. La pratique du droit est bien différente de ce que l’on apprend sur les bancs de l’école. C’est quelque chose qui s’apprend avec le temps. Etre formée par et avec des gens qui ont 20 ou 30 ans d’expérience, n’a pas d’égal. On acquiert une connaissance, une formation qui s’obtient uniquement sur le terrain. La véritable connaissance juridique s’acquiert de cette manière et avec le temps. En travaillant au sein de Desjardins Ducharme et de BCF, j’ai eu l’opportunité d’être coachée par les meilleurs mentors. La raison qui m’a poussé à quitter les grands cabinets et à fonder mon propre cabinet est la conciliation travail famille. Je passais de longues heures au bureau. J’avais peu de temps pour ma fille. Je devais retenir les services d’une nanny pour aller la chercher à la garderie et je la voyais qu’une seule heure en soirée. Ce n’était pas ce que je souhaitais. Je voulais arriver à concilier les deux : un travail passionnant et une présence au foyer.

QUELS SONT VOS CONSEILS POUR CEUX ET CELLES QUI VEULENT S’INSTALLER À LEURS COMPTES?

Je dirai qu’il y a 6 éléments indispensables au succès :

Premier conseil : Ne pas partir à son compte tout de suite après le stage Il est nécessaire d’acquérir une expérience préalable dans d’excellents cabinets. Ce sont le temps et la pratique qui permettent de développer les qualités d’avocat(e).

Deuxième conseil : Être curieux intellectuellement et apprendre à développer une relation avocat/client tôt dans la pratique. Beaucoup de jeunes avocats, préfèrent se concentrer sur les heures facturables, plutôt que sur la relation avec le client.

Troisième conseil : Consulter les bonnes personnes susceptibles de vous aider. En pratique privée, au sein des cabinets, les ressources sont présentes pour nous aider dans presque tous les domaines, comptabilité, ressources humaines, marketing, gestion… À son compte, c’est tout autre chose, il faut acquérir ces compétences ou aller les chercher. Une première porte essentielle à cogner est celle du Service de démarrage du Barreau du Québec.

Quatrième conseil : Il est essentiel de connaître et de respecter nos règles déontologiques.

Cinquième conseil : S’aider au niveau du développement des affaires, notamment en se démarquant, c’est-à-dire avoir une approche différente pour approcher le marché, comme par exemple offrir une prestation de services distincte. Dans mon cas, le type de services offerts, ainsi que le nom du cabinet a été une manière de se démarquer. DELEGATUS est un nom accrocheur.

Sixième et dernier conseil : Savoir innover dans la manière de faire affaire : par exemple au sein de DELEGATUS nous sommes particulièrement disponibles pour nos clients. Nous nous déplaçons chez nos clients, sans frais. Nous allons vers nos clients et les rencontrons au sein de leurs entreprises. Bien entendu, ils peuvent nous rencontrer au bureau mais il est important d’aller vers eux.

QUELLE SERAIT À DATE VOTRE AFFAIRE LA PLUS DIFFICILE ?

Un client qui avait des attentes irréalistes et qui au demeurant était extrêmement exigeant. Il pensait en savoir plus que nous sur les notions juridiques. Il a été impossible de lui donner satisfaction : ce dossier est passé à perte. Au final c’est un dossier dont j’avais hâte de me défaire et dont je me suis défait par une requête pour cesser d’occuper.

En 2008, vous avez été lauréate du prix Nouvelle Entrepreneure de l’année du Réseau des femmes d’affaires du Québec. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Depuis la création de mon cabinet en 2005, j’ai obtenu deux prix.L’un en 2006 (le prix ARISTA de jeune professionnel de Québec), et le second en 2008 quand j’ai été récipiendaire du prix Nouvelle Entrepreneure de l’année du Réseau des Femmes d’affaires du Québec.Il faut être réaliste, la remise d’un prix ne s’accompagne pas automatiquement de la venue de nouveaux clients. Cependant, la mise en place d’une stratégie marketing suite à la réception de ce prix nous a apporté de la nouvelle clientèle.Mais le véritable bénéfice d’un prix est ailleurs. Un prix rapporte une notoriété. Il faut donc prendre le temps de publiciser ces prix pour que cette notoriété vous aide. Cela veut dire, communiquer avec les médias pour que ces derniers publicisent ce prix. Le prix Nouvelle Entrepreneure de l’année a donné suite à des articles très intéressants dans les médias, dont une page dans le cahier affaires de La Presse, ou encore dans Droit Inc. (le blogue d’affaires des avocats et des conseillers juridiques du Québec). Ainsi, le principal bénéfice d’un prix reste la publicité et la notoriété. D’autant plus qu’il s’agit de la meilleure publicité qu’il soit. D’une part, elle est gratuite. Mais au surplus, c’est une publicité dite objective : les médias parlent de l’entreprise, ce qui fait circuler le nom et le concept de Delegatus. Et au bout du compte, cela nous aide pour le développement des affaires. De plus, nous faisons la promotion de ces articles lors des rencontres avec les prospects comme les clients et c’est un excellent outil marketing. Un prix c’est de la visibilité et cela n’a pas de prix.

QUELLES SONT VOS PERSPECTIVES DANS L’AVENIR ?

J’ai fondé DELAGATUS seule. Aujourd’hui, j’ai une co-actionnaire : Anik FONTAINE. Cela m’a aidé beaucoup et contribue au succès et au développement de Delegatus. Nous ne souhaitons pas grossir à tout prix. Il y a aujourd’hui des avocats qui me téléphonent en me disant : « je souhaiterais travailler avec vous ». Cependant nous avons des exigences précises. Nous n’engageons que des avocats qui ont travaillé au moins 5 ans au sein des services contentieux de grandes entreprises ou dans des cabinets. De plus, ils doivent avoir des compétences complémentaires aux nôtres. Pour le futur nous souhaitons grossir encore un peu mais surtout augmenter notre part de marché.

QUELLE A ÉTÉ L’ÉVOLUTION DE LA PROFESSION ENTRE VOS DÉBUTS EN 1997 ET MAINTENANT ?

La technologie a évolué énormément et s’est introduite dans notre pratique du droit. De façon anecdotique, les courriels ont fait leur entrée dans la profession mais surtout, ils nous incitent à faire affaires beaucoup plus rapidement qu’avant. Résultat : les clients veulent tout… tout de suite. Nous avons moins de temps pour réfléchir, les choses vont plus vite de manière générale. Dans ces circonstances, nous devons faire comprendre à nos clients qu’il faut parfois du temps pour analyser la question et prendre le recul nécessaire. En outre, la justice coûte de plus en plus cher. De nos jours, la classe moyenne peut à peine (voire ne peut plus) se payer un avocat. Les entreprises aussi doivent vivre avec cette même réalité. Au sein des cabinets, il y a une véritable guerre des salaires des avocats. Et si les salaires augmentent, mathématiquement les taux horaires augmentent. Et dans le fond, DELEGATUS a attaqué là où le bât blesse car, nous avons opté pour une structure qui nous permet d’offrir des services juridiques à 50% moins cher que les grands cabinets de Montréal.

QUELS SONT, DE VOTRE POINT DE VUE, LES NOUVEAUX DÉFIS AUXQUELS VOTRE PRATIQUE DU DROIT DEVRA S’ADAPTER ?

L’ordre du Barreau a deux responsabilités : la protection du public et l’intérêt de ses membres. Au regard de la protection du public, nous devons trouver de meilleures façons de rendre la justice afin que celle-ci soit plus accessible à tous. Quant à l’intérêt de nos membres, il y a fort à faire. La Chambre des notaires a pris beaucoup de terrain sur les champs de pratique des avocats (notamment en matière de droit commercial). Il faut que nous, avocats, soyons en mesure de mieux définir et préserver nos champs de compétences.

Certains avocats peuvent être compétents dans la pratique de leur droit mais pas du tout dans la gestion de leur cabinet. Comment avez-vous fait pour endosser les habits d’un gestionnaire de cabinet d’avocat ?

Il faut avant toute chose développer un plan d’affaires, savoir quelle clientèle on vise : cela est essentiel pour le développement. Il faut aussi aller acquérir les compétences dont nous ne disposons pas : grâce à des cours ou des rencontres avec les professionnels en gestion, en marketing, en comptabilité… Il ne faut pas avoir peur de rencontrer les gens et de poser des questions.

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